Analysis of La Laveuse

Maurice Rollinat 1846 (Châteauroux) – 1903 (Ivry-sur-Seine)



Voici l’heure où les ménagères
              Guettent le retour des bergères.
Avec des souffles froids et saccadés, le vent
Fait moutonner au loin les épaisses fougères
              Dans le jour qui va s’achevant.

Là-bas sur un grand monticule
              Un moulin à vent gesticule.
Les feuilles d’arbre ont des claquements de drapeaux,
Et l’hymne monotone et doux du crépuscule
              Est entonné par les crapauds.

Des silhouettes désolées
              Se convulsent dans les vallées,
Et, sur les bords herbeux des routes sans maisons,
Les mètres de cailloux semblent des mausolées
              Qui donnent parmi les gazons.

Déjà plus d’un hibou miaule,
              Et le pâtre, armé d’une gaule,
Par des chemins boueux, profonds comme des trous,
S’en va passer la nuit sur l’herbe, au pied d’un saule,
              Avec ses taureaux bruns et roux.

Dans la solitude profonde
              Les vieux chênes à tête ronde,
Fantastiques, ont l’air de vouloir s’en aller
Au fond de l’horizon, que le brouillard inonde,
              Et qui paraît se reculer.

Mais les choses dans la pénombre
              Se distinguent : figure, nombre
Et couleur des objets inertes ou bougeurs,
Tout cela reste encor visible, quoique sombre,
              Sous les nuages voyageurs.

Or, à cette heure un peu hagarde,
              Je longe une brande blafarde,
Et pour me rassurer je chante à demi-voix,
Lorsque soudain j’entends un bruit sec. — Je regarde,
              Pâle, et voici ce que je vois :

Au bord d’un étang qui clapote,
              Une vieille femme en capote,
A genoux, les sabots piqués dans le sol gras,
Lave du linge blanc et bleu qu’elle tapote
              Et retapote à tour de bras.
              — « Par où donc est-elle venue,
              « Cette sépulcrale inconnue ? »
Et je m’arrête alors, pensif et répétant,
Au milieu du brouillard qui tombe de la nue.
              Ce soliloque inquiétant.

Œil creux, nez crochu, bouche plate,
              Sec et mince comme une latte,
Ce fantôme laveur d’un âge surhumain,
Horriblement coiffé d’un mouchoir écarlate,
              Est là, presque sur mon chemin.

Et la centenaire aux yeux jaunes,
              Accroupie au pied des grands aunes,
Sorcière de la brande où je m’en vais tout seul,
Frappe à coups redoublés un drap, long de trois aunes,
              Qui pourrait bien être un linceul.

Alors, tout à l’horreur des choses
              Si fatidiques dans leurs poses,
Je sens la peur venir et la sueur couler,
Car la hideuse vieille en lavant fait des pauses
              Et me regarde sans parler.

Et le battoir tombe et retombe
              Sur cette nappe de la tombe,
Mêlant son diabolique et formidable bruit
Aux sifflements aigus du vent qui devient trombe ;
              Et tout s’efface dans la nuit.

— « Si loin ! pourvu que je me rende ! »
              Et je me sauve par la brande
Comme si je sentais la poursuite d’un pas ;
Et dans l’obscurité ma terreur est si grande
              Que je ne me retourne pas.

Ici, là, fondrière ou flaque,
              Complices de la nuit opaque !
Et la rafale beugle ainsi qu’un taureau noir,
Et voici que sur moi vient s’acharner la claque
              De l’abominable battoir.

Enfin, ayant fui de la sorte
              A travers la campagne morte,
J’arrive si livide, et si fou de stupeur
Que lorsque j’apparais brusquement à la porte
              Mon apparition fait peur !


Scheme AABAB CCACA DDADA CCACE BBFBF FFAFA BBABA BXGBGEHIHI XXHBH AACAC AJFJF KKBKB XLMLM NNXNF BBFXF
Poetic Form Tetractys  (20%)
Metre 1111111 101111 111111101 11111111 101111 111111 10111 11111111 111011111 011111 101111 111111 111111111 111111111 11111 111111 1011111 111011111 111011111111 111111 11101 1111111 11111110 111110011 1110111 1111111 11101 1111111 1101110011 1111 111111 11111 111111101 11111111 10111111 111111 111101 0111111011 11111111 11111 11101110 1111 1111111111 10110111111 1111 111111 111111 1111111 11111 0111111 111111 111111 101111111111 1111111111 111111 11111 111110 111111111 1111111110 111110 101111 111111 1111110001 11111111 111111 1111111 1111111 11111111 111110111 111111 111111 111101 110111111 111111111 111 111111 010111 11111111 111111 101011
Closest metre Iambic hexameter
Characters 3,664
Words 519
Sentences 24
Stanzas 15
Stanza Lengths 5, 5, 5, 5, 5, 5, 5, 10, 5, 5, 5, 5, 5, 5, 5
Lines Amount 80
Letters per line (avg) 28
Words per line (avg) 7
Letters per stanza (avg) 150
Words per stanza (avg) 35
Font size:
 

Submitted on May 13, 2011

Modified on March 05, 2023

2:35 min read
65

Maurice Rollinat

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    Style:MLAChicagoAPA

    "La Laveuse" Poetry.com. STANDS4 LLC, 2024. Web. 27 Apr. 2024. <https://www.poetry.com/poem-analysis/27603/la-laveuse>.

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