Analysis of Ah! Je Les Reconnais

Andre Marie de Chenier 1762 (Constantinople) – 1794 (Paris)



Ah! je les reconnais, et mon coeur se réveille.
O sons! ô douces voix chères à mon oreille!
O mes Muses, c'est vous; vous mon premier amour,
Vous qui m'avez aimé dès que j'ai vu le jour!
Leurs bras, à mon berceau dérobant mon enfance,
Me portaient sous la grotte où Virgile eut naissance,
Où j'entendais le bois murmurer et frémir,
Où leurs yeux dans les fleurs me regardaient dormir.
Ingrat! ô de l'amour trop coupable folie!
Souvent je les outrage et fuis et les oublie;
Et sitôt que mon coeur est en proie au chagrin,
Je les vois revenir le front doux et serein.
J'étais seul, je mourais. Seul, Lycoris absente
De soupçons inquiets m'agite et me tourmente.
Je vois tous ses appas et je vois mes dangers;
Ah! je la vois livrée à des bras étrangers.
Elles viennent! leurs voix, leur aspect me rassure:
Leur chant mélodieux assoupit ma blessure;
Je me fuis, je m'oublie, et mes esprits distraits
Se plaisent à les suivre et retrouvent la paix.
Par vous, Muses, par vous, franchissant les collines,
Soit que j'aime l'aspect des campagnes sabines,
Soit Catile ou Falerne et leurs riches coteaux,
Ou l'air de Blandusie et l'azur de ses eaux:
Par vous de l'Anio j'admire le rivage,
Par vous de Tivoli le poétique ombrage,
Et de Bacchus, assis sous des antres profonds,
La nymphe et le satyre écoutant les chansons.
Par vous la rêverie errante, vagabonde,
Livre à vos favoris la nature et le monde;
Par vous mon âme, au gré de ses illusions,
Vole et franchit les temps, les mers, les nations,
Va vivre en d'autres corps, s'égare, se promène,
Est tout ce qu'il lui plaît, car tout est son domaine.

Ainsi, bruyante abeille, au retour du matin,
Je vais changer en miel les délices du thym.
Rose, un sein palpitant est ma tombe divine.
Frêle atome d'oiseau, de leur molle étamine
Je vais sous d'autres cieux dépouiller d'autres fleurs.
Le papillon plus grand offre moins de couleurs;
Et l'Orénoque impur, la Floride fertile
Admirent qu'un oiseau si tendre, si débile,
Mêle tant d'or, de pourpre, en ses riches habits,
Et pensent dans les airs voir nager des rubis.
Sur un fleuve souvent l'éclat de mon plumage
Fait à quelque Léda souhaiter mon hommage.
Souvent, fleuve moi-même, en mes humides bras
Je presse mollement des membres délicats,
Mille fraîches beautés que partout j'environne;
Je les tiens, les soulève, et murmure et bouillonne.
Mais surtout, Lycoris, Protée insidieux,
Partout autour de toi je veille, j'ai des yeux,
Partout, sylphe ou zéphyr, invisible et rapide,
Je te vois. Si ton coeur complaisant et perfide
Livre à d'autres baisers une infidèle main,
Je suis là. C'est moi seul dont le transport soudain,
Agitant tes rideaux ou ta porte secrète,
Par un bruit imprévu t'épouvante et t'arrête.
C'est moi, remords jaloux, qui rappelle en ton coeur
Mon nom et tes serments et ma juste fureur...

Mais périsse l'amant que satisfait la crainte!
Périsse la beauté qui m'aime par contrainte,
Qui voit dans ses serments une pénible loi,
Et n'a point de plaisir à me garder sa foi!


Scheme AABBCCBBAADDEECCBBCCCCCCFFCCEECCXG DXXDCCAACCFFCCDDCCEEGDEEBB EEAX
Poetic Form
Metre 1111111111 11111111 11101111011 111111111101 11111111 111111111 11011111 111111111 1110111 111111111 1111110111101 111101111 11111111 11111111 11111111110 111111111 11111111 1111111 111111111 11111111 111011111 111111111 111111101 1111111111 111110101 1111000111 111011111 111010111 1111111 111110101 11111111010 1111111110 1111111111 01111110111101101 1111111 11101111111 1111011101 10111111 111111111 01111111 111111110 111111111 101111111010 11111110110 1111111110 1111111 111111111 1111111 11111111 1111111111 111111 1111111111 11111010011 11111101011 1111101 11111110011 110111111 1111111111 111111111 111111111 11111111 111111111 111111111 1101111111
Closest metre Iambic heptameter
Characters 2,997
Words 518
Sentences 30
Stanzas 3
Stanza Lengths 34, 26, 4
Lines Amount 64
Letters per line (avg) 35
Words per line (avg) 8
Letters per stanza (avg) 756
Words per stanza (avg) 172
Font size:
 

Submitted on May 13, 2011

Modified on March 05, 2023

2:45 min read
131

Andre Marie de Chenier

André Marie Chénier was a French poet of Greek and Franco-Levantine origin, associated with the events of the French Revolution of which he was a victim. His sensual, emotive poetry marks him as one of the precursors of the Romantic movement. His career was brought to an abrupt end when he was guillotined for supposed "crimes against the state", just three days before the end of the Reign of Terror. Chénier's life has been the subject of Umberto Giordano's opera Andrea Chénier and other works of art. more…

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    "Ah! Je Les Reconnais" Poetry.com. STANDS4 LLC, 2024. Web. 27 Apr. 2024. <https://www.poetry.com/poem-analysis/2380/ah%21-je-les-reconnais>.

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