Analysis of Un fantôme de nuées

Guillaume Apollinaire 1880 (Rome) – 1918 (Paris)



Comme c'était la veille du quatorze juillet
Vers les quatre heures de l'après-midi
Je descendis dans la rue pour aller voir les saltimbanques
Ces gens qui fonts des tours en plein air
Commencent à être rares à Paris
Dans ma jeunesse on en voyait beaucoup plus qu'aujourd'hui
Ils s'en sont allés presque tous en province
Je pris le boulevard Saint-Germain
Et sur une petite place située entre Saint-Germain-des-Prés et la
statue Danton
Je rencontrai les saltimbanques
La foule les entourait muette et résignée à attendre
Je me fis une place dans ce cercle afin de tout voir
Poids formidables
Villes de Belgique soulevées à bras tendu par un ouvrier russe de
Longwy
Haltères noirs et creux qui ont pour tige un fleuve figé
Doigts roulant une cigarette amère et délicieuse comme la vie
De nombreux tapis sales couvraient le sol
Tapis qui ont des plis qu'on ne défera pas
Tapis qui sont presque entièrement couleur de la poussière
Et où quelques taches jaunes ou vertes ont persisté
Comme un air de musique qui vous poursuit
Vois-tu le personnage maigre et sauvage
La cendre de ses pères lui sortait en barbe grisonnante
Il portait ainsi toute son hérédité au visage
Il semblait rêver à l'avenir
En tournant machinalement un orgue de Barbarie
Dont la lente voix se lamentait merveilleusement
Les glouglous les couacs et les sourds gémissements
Les saltimbanques ne bougeaient pas
Le plus vieux avait un maillot couleur de ce rose violâtre qu'ont aux
joues certaines jeunes filles fraîches mais près de la mort
Ce rose-là se niche surtout dans les plis qui entourent souvent leur
bouche
Ou près des narines
C'est un rose plein de traîtrise
Cet homme portait-il ainsi sur le dos
La teinte ignoble de ses poumons
Les bras les bras partout montaient la garde
Le second saltimbanque
N'était vêtu que de son ombre
Je le regardait longtemps
Son visage m'échappe entièrement
C'est un homme sans tête
Un autre enfin avait l'air d'un voyou
D'un apache bon et crapule à la fois
Avec son pantalon bouffant et les accroche-chaussettes
N'aurait-il pas eu l'apparence d'un maquereau à sa
toilette
La musique se tut et ce furent des pourparlers avec le
public
Qui sou à sou jeta sur le tapis la somme de deux franc
cinquante
Au lieu des trois francs que le vieux avait fixés comme
prix des tours
Mais quand il fut clair que personne ne donnerait plus
rien
On se décida à commencer la séance
De dessous l'orgue sortit un tout petit saltimbanque
habillé de rose pulmonaire
Avec de la fourrure aux poignets et aux chevilles
Il poussait des cris brefs
Et saluait en écartant gentiment les avant-bras
Mains ouvertes
Une jambe en arrière prête à la génuflexion
Il salua ainsi aux quatre points cardinaux
Et quand il marcha sur une boule
Son corps mince devint une musique si délicate que
nul parmi les spectateurs n'y fut insensible
Un petit esprit sans aucune humanité
Pensa chacun
Et ces musique des formes
Détruisit celle de l'orgue mécanique
Que moulait l'homme au visage couvert d'ancêtres
Le petit saltimbanque fit la roue
Avec tant d'harmonie
Que l'orgue cessa de jouer
Et que l'organiste se cacha le visage dans les mains
Aux doigts semblables aux descendants de son destin
Foetus minuscules qui lui sortaient de la barbe
Nouveaux cris de Peau-Rouge
Musique angélique des arbres
Disparition de l'enfant
Les saltimbanques soulevèrent les gros haltères à bout de bras
Ils jonglèrent avec les poids
Mais chaque spectateur cherchait en soi l'enfant miraculeux
Siècle ô siècle des nuages


Scheme AABCBDBEFGBCHBAIIJKBLAAMANCCABBBACOBBBBAICBAAPBBBAQIIARBBEBICBBBBEBSITAEBIBCUCBVWXBABBBB
Poetic Form
Metre 11111111 111111110 11111110111 111111111 11110 111111111 11111111110 11010101 111011111010111111 110 1111 1111111111 111111111111 11 1101111111111 1 111111111111 1110111111111 1111101 111111111101 11111111111 1111111101 11111111 11011110 111111101111 11111111110 11111 1111111 1111111 111111111 11111 01111111111111 111111111111 1111111111111 1 11111 1111111 11111101 11010111 11111111 0101 11111111 1011 1101111 111111 111111111 1101011111 11111111 111111111 1 11111111110 10 111110111111 1 111111011111 111 1111111111 1 11111111 111111101 1111 111111111 11111 111111011 11 1111111111 1111111 1111111 1111111111 11111110100 11001111 11 11111 1111111 1111110111 0101111 111100 11111 11111010111 11110101110 111101111 11111 11111 111 11111111111 111111 11111111 111111
Closest metre Iambic hexameter
Characters 3,451
Words 588
Sentences 1
Stanzas 1
Stanza Lengths 88
Lines Amount 88
Letters per line (avg) 32
Words per line (avg) 7
Letters per stanza (avg) 2,773
Words per stanza (avg) 586
Font size:
 

Submitted on May 13, 2011

Modified on April 22, 2023

3:04 min read
64

Guillaume Apollinaire

Guillaume Apollinaire was an Italian-born French poet, playwright, short story writer, novelist, and art critic born in Rome, in Italy, to a Polish mother. more…

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    "Un fantôme de nuées" Poetry.com. STANDS4 LLC, 2024. Web. 27 Apr. 2024. <https://www.poetry.com/poem-analysis/16282/un-fant%C3%B4me-de-nu%C3%A9es>.

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