Analysis of Le mont

Emile Verhaeren 1855 (Sint-Amands) – 1916 (Rouen)



Ce mont,
Avec son ombre prosternée,
Au clair de lune, devant lui,
Règne, infiniment, la nuit,
Tragique et lourd, sur la campagne lasse.

Par les carreaux de leurs fenêtres basses,
Les chaumières pauvres et vieilles
De loin en loin, comme des gens, surveillent.
Aux pieds de leurs digues en terre,
Les clos ont peur du colossal mystère
Que recèle le mont,
Lorsqu'il règne, toute la nuit,
Avec son ombre prosternée,
En prière, devant lui.

Sous les rochers qu'il accumule,
S'élabore la vie énorme et minuscule
Des atomes et des poussières.
Les fers, les plombs, les ors, les pierres
Y reposent. Et les joyaux et leurs yeux lourds
Qui ne peuvent se voir dormir,
Mais qui s'éveilleront pour tout à coup frémir
D'une rouge clarté suprême,
Attendent là que, fièrement, un jour,
Au front des rois, ils surgissent en diadèmes.

Ce mont,
Avec son ombre prosternée,
Au clair de lune, devant lui,
Déchire et domine la nuit,
Avec ses rocs plantés, en pointes, sur sa tête.
Il abritait, aux temps anciens, des bêtes
Monstrueuses, que des hommes, vêtus de peaux,
Tuaient à coups de hache et de marteaux,
Et dépeçaient en des fêtes, envenimées
De disputes, de cris, de sang et de fumées.

Sous un sol dur, compact et gras,
Les silex clairs, les os géants, les dents énormes
Dorment,
Restes blanchis de meurtre ou de combat.
Des blocs immobiles, ainsi que des statues,
Que les gouttes de l'eau qui filtre ont revêtues
De tuniques de nacre et d'écailles d'argent,
S'y regardent, depuis mille et mille ans.
Le silence y séjourne - et, seul, on y entend,
Sur ces pierres de haut en bas luisantes,
Le même choc des gouttes d'eau tombantes,
Une à une, depuis mille ans.

Un murmure lointain de songe et de légende
Circule, autour de lui, la nuit,
Lorsque, de loin, son front commande
Aux souvenirs, dans les veillées.
On songe alors à ses grottes taillées,
Où travaillaient des nains, sur des enclumes d'or,
Où leurs ombres couraient, dansaient, votaient,
Dans le décor
Tragique et merveilleux des antres noirs.
Au jour levant, la caverne semblait un bouge,
Mais les brasiers, soudainement, les soirs,
Y soulevaient de gigantesques ailes
Qui s'en allaient
- Plumes et étincelles -
Frôler, de haut en bas, les parois rouges.

Jadis, Vénus ardente et pâle,
Sachant qu'un jardin d'or y fleurissait de sang,
Y recueillit au coeur des feux, l'amour resplendissant
Et les braises des passions fatales.
Elle s'y penchait, au-dessus de la flamme,
Elle y chauffait ses seins cruels et ses yeux clairs
Et condensait, au tréfonds de sa chair,
L'inextinguible ardeur qui fait flamber les âmes.
Les villages s'en souviennent : c'était l'hiver ;
Le gel compact avait durci les berges ;
Le sol sonnait froid, l'arbre dressait, dans l'air,
Ses branchages comme des verges ;
Des lueurs d'or couraient au ras des neiges.
On avait vu Vénus et son cortège
Passer, brûlante et nue, à travers la campagne,
Les hommes fous crier d'amour vers leurs compagnes,
Les chiens casser leur chaîne et les taureaux
S'ériger lourds et leurs soufflants naseaux,
Dans l'étable nocturne, ameuter la tempête.

Ce mont,
Avec son ombre, en prière, devant lui,
Chargeait de son mystère et de sa nuit
Les coeurs naïfs et leurs ardeurs secrètes.

Il incarnait l'immensité ;
Ses blocs dataient des premiers temps du monde,
Des forêts d'or avaient grandi, s'étaient entées
Sur sa base, pour s'élever et s'abaisser
Et retomber vers les plaines fécondes
Et ressurgir encor de leur poussière.
Les siècles le sacraient - et l'on eût dit, à voir
L'énorme entassement se bossuer, le soir,
Qu'un orage, sur le coteau, s'était fait pierre.
Je suis entré avec des torches, au coeur du mont,
Ombres et feux semblaient sortir de moi,
Ils projetaient leur vol brusque, sur les parois,
De l'un à l'autre bout des salles colossales.

Les déesses, les nains, les ors profonds,
Les yeux clos des joyaux, la fable
Des batailles entre hommes et dragons
Mêlaient leurs souvenirs en tourbillons ;
J'étais le miroir vague et formidable,
J'étais le carrefour, où tout se rencontrait ;
Le sol, le roc, le feu, la nuit et la forêt
Semblaient les substances mêmes de ma pensée ;
Je m'emplissais de peur ; j'étais comme insensé
De vivre et de sentir tant de siècles frémir
En cet instant du temps que je serai dans l'avenir.
Mon âme était anxieuse d'être elle-même ;
Elle s'illimitait en une âme suprême <


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Poetic Form
Metre 11 11111 1111110 11111 1111111 111111110 111111 11111111 11111110 1111101011 11001 111111 11111 111110 111111 101111110 111111 11111111 111111111 111111 111111111 11111 1111111 111111111 11 11111 1111110 11101011 11111111111 11111111 11111111 1111111 1111111111 10111111111 11111011 11011111111 1 11111110 1111111 11111111111 1111111110 11111111 01011111111 11111111 011111111 11111 111111111 1111011 111111 1011111 1111111 11111111 111111 1011 111111 110111111 111111 11111 1111 111 111111111 1111110 1111011111 111111101 1111101 111111111 1111111111 11111111 1111111 1100111111 011011110 011111111 111110 11111111 111111111 1011111011 111101111 111111111 1111111 111011111 11 111111110 111111111 11111111 111 111101111 111111101111 111111011 1111111 1111111 111011111111 1111101 11110111101 11111101111 1111111 11111111 111111101 111011111 11111110 11101110 1110111 1101111000 11011111 010101111111 11100111111 11111111 11111111111 11101111111 111111111 1111111
Closest metre Iambic hexameter
Characters 4,389
Words 726
Sentences 24
Stanzas 10
Stanza Lengths 5, 9, 10, 10, 12, 15, 19, 4, 13, 13
Lines Amount 110
Letters per line (avg) 30
Words per line (avg) 7
Letters per stanza (avg) 327
Words per stanza (avg) 74
Font size:
 

Submitted on May 13, 2011

Modified on March 05, 2023

3:50 min read
103

Emile Verhaeren

Emile Verhaeren was a Belgian poet who wrote in the French language, and one of the chief founders of the school of Symbolism. more…

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    "Le mont" Poetry.com. STANDS4 LLC, 2024. Web. 28 Apr. 2024. <https://www.poetry.com/poem-analysis/11243/le-mont>.

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