Analysis of La plaine

Emile Verhaeren 1855 (Sint-Amands) – 1916 (Rouen)



La plaine est morne, avec ses clos, avec ses granges
Et ses fermes dont les pignons sont vermoulus,
La plaine est morne et lasse et ne se défend plus,
La plaine est morne et morte - et la ville la mange.

Formidables et criminels,
Les bras des machines diaboliques,
Fauchant les blés évangéliques,
Ont effrayé le vieux semeur mélancolique
Dont le geste semblait d'accord avec le ciel.

L'orde fumée et ses haillons de suie
Ont traversé le vent et l'ont sali :
Un soleil pauvre et avili
S'est comme usé en de la pluie.

Et maintenant, où s'étageaient les maisons claires
Et les vergers et les arbres parsemés d'or,
On aperçoit, à l'infini, du sud au nord,
La noire immensité des usines rectangulaires.

Telle une bête énorme et taciturne
Qui bourdonne derrière un mur,
Le ronflement s'entend, rythmique et dur,
Des chaudières et des meules nocturnes ;

Le sol vibre, comme s'il fermentait,
Le travail bout comme un forfait,
L'égout charrie une fange velue
Vers la rivière qu'il pollue ;
Un supplice d'arbres écorchés vifs
Se tord, bras convulsifs,
En façade, sur le bois proche ;

L'ortie épuise au coeur les sablons et les oches,
Et des fumiers, toujours plus hauts, de résidus
- Ciments huileux, plâtras pourris, moellons fendus -
Au long de vieux fossés et de berges obscures
Lèvent, le soir, des monuments de pourriture.

Sous les hangars tonnants et lourds,
Les nuits, les jours,
Sans air ni sans sommeil,
Des gens peinent loin du soleil :
Morceaux de vie en l'énorme engrenage,
Morceaux de chair fixée, ingénieusement,
Pièce par pièce, étage par étage,
De l'un à l'autre bout du vaste tournoiement.
Leurs yeux sont devenus les yeux de la machine ;
Leur corps entier : front, col, torse, épaules, échine,
Se plie aux jeux réglés du fer et de l'acier ;
Leurs mains et leurs dix doigts courent sur des claviers
Où cent fuseaux de fil tournent et se dévident ;
Et mains promptes et doigts rapides
S'usent si fort,
Dans leur effort

Sur la matière carnassière,
Qu'ils y laissent, à tout moment,
Des empreintes de rage et des gouttes de sang.

Dites ! L'ancien labeur pacifique, dans l'Août
Des seigles mûrs et des avoines rousses,
Avec les bras au clair, le front debout,
Quand l'or des blés ondule et se retrousse
Vers l'horizon torride où le silence bout.

Dites ! Le repos tiède et les midis élus,
Tressant de l'ombre pour les siestes,
Sous les branches, dont les vents prestes
Rythment, avec lenteur, les grands gestes feuillus.
Dites, la plaine entière ainsi qu'un jardin gras,
Toute folle d'oiseaux éparpillés dans la lumière,
Qui la chantent, avec leurs voix plénières,
Si près du ciel qu'on ne les entend pas.

Mais aujourd'hui, la plaine ? - Elle est finie ;
La plaine est morne et ne se défend plus :
Le flux des ruines et leur reflux
L'ont submergée, avec monotonie.

On ne rencontre, au loin, qu'enclos rapiécés
Et chemins noirs de houille et de scories
Et squelettes de métairies
Et trains coupant soudain les villages en deux.

Les Madones ont tu leurs voix d'oracle
Au coin du bois, parmi les arbres ;

Et les vieux saints et leurs socles de marbre
Ont chu dans les fontaines à miracles.

Et tout est là, comme des cercueils vides,
- Seuils et murs lézardés et toitures fendues -
Et tout se plaint ainsi que les âmes perdues
Qui sanglotent le soir dans la bruyère humide.

Hélas ! La plaine, hélas! Elle est finie!
Et ses clochers sont morts et ses moulins perclus.
La plaine, hélas ! Elle a toussé son agonie
Dans les derniers hoquets d'un angélus.


Scheme AABC AAADE AEEE AFGA HFFA GGEEAAX AAAXF AAEXCGCGHHFAGAXX IXD XAGAX AAAAXIXX HBAH XAAX XA FX AAAG HAHA
Poetic Form
Metre 110111111110 11111111 1101111111111 110111111111 111 111011 111111 1101111 1011101101 11111111 11001111 101111 101111111 11111111 111111111 11111111 111111 1111111 111111 011111 1111111 0111111 0011111 111111 1111111 111111 1111 1111011 111111111 111111111 01111111 111111111001 1101110011 1110111 1111 11111 1111101 1111111 1111111 11111111 11111111 1111111101 11111111 111111111111 1111111111 1111111111 111111 111 1110 111111 111110 111111111 1111111 11111111 11111011 1111111111 11010110101 101111111 111111 11101111 1111111 11111111101 111111111 111111111 11111111111 1101111011 11011111111 0111111 11111 111111111 110111111 11111 1111110011 1111111100 1111111 111111111 11111100 110111111 111111111 111111111 110111111 1111111011 111111111 111110111 11111111
Closest metre Iambic hexameter
Characters 3,488
Words 592
Sentences 24
Stanzas 17
Stanza Lengths 4, 5, 4, 4, 4, 7, 5, 16, 3, 5, 8, 4, 4, 2, 2, 4, 4
Lines Amount 85
Letters per line (avg) 31
Words per line (avg) 7
Letters per stanza (avg) 154
Words per stanza (avg) 36
Font size:
 

Submitted on May 13, 2011

Modified on March 05, 2023

3:07 min read
74

Emile Verhaeren

Emile Verhaeren was a Belgian poet who wrote in the French language, and one of the chief founders of the school of Symbolism. more…

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    Style:MLAChicagoAPA

    "La plaine" Poetry.com. STANDS4 LLC, 2024. Web. 30 Apr. 2024. <https://www.poetry.com/poem-analysis/11200/la-plaine>.

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