Analysis of Être aimé
Victor Marie Hugo 1802 (Besançon) – 1885 (Paris)
Écoute-moi. Voici la chose nécessaire :
Être aimé. Hors de là rien n'existe, entends-tu ?
Être aimé, c'est l'honneur, le devoir, la vertu,
C'est Dieu, c'est le démon, c'est tout. J'aime, et l'on m'aime.
Cela dit, tout est dit. Pour que je sois moi-même,
Fier, content, respirant l'air libre à pleins poumons,
Il faut que j'aie une ombre et qu'elle dise : Aimons !
Il faut que de mon âme une autre âme se double,
Il faut que, si je suis absent, quelqu'un se trouble,
Et, me cherchant des yeux, murmure : Où donc est-il ?
Si personne ne dit cela, je sens l'exil,
L'anathème et l'hiver sur moi, je suis terrible,
Je suis maudit. Le grain que rejette le crible,
C'est l'homme sans foyer, sans but, épars au vent.
Ah ! celui qui n'est pas aimé, n'est pas vivant.
Quoi, nul ne vous choisit ! Quoi, rien ne vous préfère !
A quoi bon l'univers ? l'âme qu'on a, qu'en faire ?
Que faire d'un regard dont personne ne veut ?
La vie attend l'amour, le fil cherche le noeud.
Flotter au hasard ? Non ! Le frisson vous pénètre ;
L'avenir s'ouvre ainsi qu'une pâle fenêtre ;
Où mettra-t-on sa vie et son rêve ? On se croit
Orphelin ; l'azur semble ironique, on a froid ;
Quoi ! ne plaire à personne au monde ! rien n'apaise
Cette honte sinistre ; on languit, l'heure pèse,
Demain, qu'on sent venir triste, attriste aujourd'hui,
Que faire ? où fuir ? On est seul dans l'immense ennui.
Une maîtresse, c'est quelqu'un dont on est maître ;
Ayons cela. Soyons aimé, non par un être
Grand et puissant, déesse ou dieu. Ceci n'est pas
La question. Aimons ! Cela suffit. Mes pas
Cessent d'être perdus si quelqu'un les regarde.
Ah ! vil monde, passants vagues, foule hagarde,
Sombre table de jeu, caverne sans rayons !
Qu'est-ce que je viens faire à ce tripot, voyons ?
J'y bâille. Si de moi personne ne s'occupe,
Le sort est un escroc, et je suis une dupe.
J'aspire à me brûler la cervelle. Ah ! quel deuil !
Quoi rien ! pas un soupir pour vous, pas un coup d'oeil !
Que le fuseau des jours lentement se dévide !
Hélas ! comme le coeur est lourd quand il est vide !
Comment porter ce poids énorme, le néant ?
L'existence est un trou de ténèbres, béant ;
Vous vous sentez tomber dans ce gouffre. Ah ! quand Dante
Livre à l'affreuse bise implacable et grondante
Françoise échevelée, un baiser éternel
La console, et l'enfer alors devient le ciel.
Mais quoi ! je vais, je viens, j'entre, je sors, je passe,
Je meurs, sans faire rien remuer dans l'espace !
N'avoir pas un atome à soi dans l'infini !
Qu'est-ce donc que j'ai fait ? De quoi suis-je puni ?
Je ris, nul ne sourit ; je souffre, nul ne pleure.
Cette chauve-souris de son aile m'effleure,
L'indifférence, blême habitante du soir.
Être aimé ! sous ce ciel bleu - moins souvent que noir -
Je ne sais que cela qui vaille un peu la peine
De mêler son visage à la laideur humaine,
Et de vivre. Ah ! pour ceux dont le coeur bat, pour ceux
Qui sentent un regard quelconque aller vers eux,
Pour ceux-là seulement, Dieu vit, et le jour brille !
Qu'on soit aimé d'un gueux, d'un voleur, d'une fille,
D'un forçat jaune et vert sur l'épaule imprimé,
Qu'on soit aimé d'un chien, pourvu qu'on soit aimé !
Scheme | ABBCDEEFFGFFFHBAABBAABBEEDDAAEEBBEEIIFFJJKKLBFMEENNAAAANNEEFFCC |
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Poetic Form | |
Metre | 1111111 111111111 11110111 111011111111111 10110111111111 110111111 11111111111 111111111110 111111101110 11111111011 111110111 11111111100 111011101 11111011111 1111011110111 111111111111 011111110111 1111011111 11011001101 1111011111 11111011 1111111111111 1111101 11111111 11111111 01111111101 111110111101010 11111110111 110111111 1111111101011 110110111 11111111 1111111 11011111 10111111111 1111111111 01011111111 10111111111 11111111111 101111111 1110101111011 1010111011 10100111111111 11111111110 111010011 1111111 110111101 1111111101111 11111111 1111111 10111111111111 1111111111 11101111 1111111 1111111111 111110111111 111110111 111111101111 1110111011 1111111011 111111111111 11111111111 111111111111 |
Closest metre | Iambic heptameter |
Characters | 3,188 |
Words | 540 |
Sentences | 62 |
Stanzas | 1 |
Stanza Lengths | 63 |
Lines Amount | 63 |
Letters per line (avg) | 36 |
Words per line (avg) | 9 |
Letters per stanza (avg) | 2,248 |
Words per stanza (avg) | 587 |
Font size:
Submitted on May 13, 2011
Modified on March 05, 2023
- 3:01 min read
- 34 Views
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Style:MLAChicagoAPA
"Être aimé" Poetry.com. STANDS4 LLC, 2024. Web. 14 May 2024. <https://www.poetry.com/poem-analysis/37716/%C3%8Atre-aim%C3%A9>.
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