Gendre et belle-mère
Maurice Rollinat 1846 (Châteauroux) – 1903 (Ivry-sur-Seine)
Jean était un franc débonnaire,
Jovial d’allure et de ton,
Égayant toujours d’un fredon
Son dur travail de mercenaire.
Soucis réels, imaginaires,
Aucuns n’avaient mis leur bridon
À son cœur pur dont l’abandon
Était le besoin ordinaire.
Je le retrouve : lèvre amère !
Ayant dans ses yeux de mouton
Un regard de loup sans pardon...
Quelle angoisse ? quelle chimère ?
Quelle mauvaise fée a donc
Changé ce gars ? Sa belle-mère !
II
Il n’aurait pas connu la haine
Sans la vieille au parler bénin
Qui d’un air cafard de nonnain
L’affligeait et raillait sa peine.
Il avait la bonté sereine
Et l’apitoiement féminin.
Il n’aurait pas connu la haine
Sans la vieille au parler bénin.
Aujourd’hui, la rage le mène.
Pour mordre, il a le croc canin
Et son fiel riposte au venin.
Non ! sans cette araignée humaine,
Il n’aurait pas connu la haine !
III
Il devint fou. Comme un bandit,
Il vivait seul dans un repaire,
Âme et corps ; gendre, époux et père,
Se croyant à jamais maudit.
Tant et si bien que, s’étant dit
Qu’il n’avait qu’une chose à faire :
Assassiner sa belle-mère
Ou se tuer ? — il se pendit !
— Au sourd roulement du tonnerre
Que toujours plus l’orage ourdit,
Son corps décomposé froidit,
Veillé par un spectre sévère :
Encor, toujours, sa belle-mère !
IV
La belle-mère se délecte
Au chevet de son gendre mort,
Et le ricanement se tord
Sur sa figure circonspecte.
Avec ses piqûres d’insecte
Elle a tué cet homme fort.
La belle-mère se délecte
Au chevet de son gendre mort.
Sitôt qu’on vient, son œil s’humecte,
Elle accuse et maudit le sort !
Mais, elle sourit dès qu’on sort…
Et, lorgnant sa victime infecte,
La belle-mère se délecte.
V
Enterré, le soir, sans attendre,
Sur sa tombe elle est à genoux
Voilà ce qu’en son tertre roux
La croix de bois blanc peut entendre
« Enfin ! J’viens donc d’t’y voir descendre
Dans tes six pieds d’terr’ ! t’es dans l’t’rou.
C’te fois, t’es ben parti d’cheux nous,
Et tu n’as plus rin à prétendre.
Rêv’ pas d’moi, fais des sommeils doux,
Jusqu’à temps q’la mort vienn’ me prendre,
Alors, j’s’rai ta voisin’ d’en d’sous,
J’manq’rai pas d’tourmenter ta cendre...
L’plus tard possible ! au r’voir, mon gendre.
Font size:
Submitted on May 13, 2011
Modified on March 05, 2023
- 1:50 min read
- 75 Views
Quick analysis:
Scheme | abba cbba axbaxa BBbx bbBB xxbbB daad daad addaa DEdd deDE deedD acca aaca cacaa |
---|---|
Closest metre | Iambic pentameter |
Characters | 2,346 |
Words | 369 |
Stanzas | 15 |
Stanza Lengths | 4, 4, 6, 4, 4, 5, 4, 4, 5, 4, 4, 5, 4, 4, 5 |
Translation
Find a translation for this poem in other languages:
Select another language:
- - Select -
- 简体中文 (Chinese - Simplified)
- 繁體中文 (Chinese - Traditional)
- Español (Spanish)
- Esperanto (Esperanto)
- 日本語 (Japanese)
- Português (Portuguese)
- Deutsch (German)
- العربية (Arabic)
- Français (French)
- Русский (Russian)
- ಕನ್ನಡ (Kannada)
- 한국어 (Korean)
- עברית (Hebrew)
- Gaeilge (Irish)
- Українська (Ukrainian)
- اردو (Urdu)
- Magyar (Hungarian)
- मानक हिन्दी (Hindi)
- Indonesia (Indonesian)
- Italiano (Italian)
- தமிழ் (Tamil)
- Türkçe (Turkish)
- తెలుగు (Telugu)
- ภาษาไทย (Thai)
- Tiếng Việt (Vietnamese)
- Čeština (Czech)
- Polski (Polish)
- Bahasa Indonesia (Indonesian)
- Românește (Romanian)
- Nederlands (Dutch)
- Ελληνικά (Greek)
- Latinum (Latin)
- Svenska (Swedish)
- Dansk (Danish)
- Suomi (Finnish)
- فارسی (Persian)
- ייִדיש (Yiddish)
- հայերեն (Armenian)
- Norsk (Norwegian)
- English (English)
Citation
Use the citation below to add this poem to your bibliography:
Style:MLAChicagoAPA
"Gendre et belle-mère" Poetry.com. STANDS4 LLC, 2024. Web. 24 Apr. 2024. <https://www.poetry.com/poem/27542/gendre-et-belle-mère>.
Discuss the poem Gendre et belle-mère with the community...
Report Comment
We're doing our best to make sure our content is useful, accurate and safe.
If by any chance you spot an inappropriate comment while navigating through our website please use this form to let us know, and we'll take care of it shortly.
Attachment
You need to be logged in to favorite.
Log In