Analysis of Quand sur moi je jette les yeux

Mathurin Regnier 1573 (Chartres ) – 1613 (Rouen )



Quand sur moi je jette les yeux,
À trente ans me voyant tout vieux,
Mon coeur de frayeur diminue :
Étant vieilli dans un moment,
Je ne puis dire seulement
Que ma jeunesse est devenue.

Du berceau courant au cercueil,
Le jour se dérobe à mon oeil,
Mes sens troublés s'évanouissent.
Les hommes sont comme des fleurs
Qui naissent et vivent en pleurs,
Et d'heure en heure se fanissent.

Leur âge à l'instant écoulé,
Comme un trait qui s'est envolé,
Ne laisse après soi nulle marque ;
Et leur nom si fameux ici,
Sitôt qu'ils sont morts, meurt aussi,
Du pauvre autant que du Monarque.

Naguère, vert, sain et puissant,
Comme un aubépin florissant,
Mon printemps était délectable.
Les plaisirs logeaient en mon sein ;
Et lors était tout mon dessein
Du jeu d'Amour et de la table.

Mais, las ! mon sort est bien tourné ;
Mon âge en un rien s'est borné,
Faible languit mon espérance :
En une nuit, à mon malheur,
De la joie et de la douleur
J'ai bien appris la différence !

La douleur aux traits vénéneux,
Comme d'un habit épineux
Me ceint d'une horrible torture.
Mes beaux jours sont changés en nuits ;
Et mon coeur tout flétri d'ennuis
N'attend plus que la sépulture.

Enivré de cent maux divers,
Je chancelle et vais de travers.
Tant mon âme en regorge pleine,
J'en ai l'esprit tout hébété,
Et, si peu qui m'en est resté,
Encor me fait-il de la peine.

La mémoire du temps passé,
Que j'ai follement dépensé,
Épand du fiel en mes ulcères :
Si peu que j'ai de jugement,
Semble animer mon sentiment,
Me rendant plus vif aux misères.

Ha ! pitoyable souvenir !
Enfin, que dois-je devenir ?
Où se réduira ma constance ?
Étant jà défailli de coeur,
Qui me don'ra de la vigueur,
Pour durer en la pénitence ?

Qu'est-ce de moi ? faible est ma main,
Mon courage, hélas ! est humain,
Je ne suis de fer ni de pierre ;
En mes maux montre-toi plus doux ;
Seigneur ; aux traits de ton courroux
Je suis plus fragile que verre.

Je ne suis à tes yeux, sinon
Qu'un fétu sans force et sans nom,
Qu'un hibou qui n'ose paraître ;
Qu'un fantôme ici-bas errant,
Qu'une orde écume de torrent,
Qui semble fondre avant que naître.

Où toi tu peux faire trembler
L'Univers, et désassembler
Du Firmament le riche ouvrage ;
Tarir les flots audacieux,
Ou, les élevant jusqu'aux Cieux,
Faire de la Terre un naufrage.

Le Soleil fléchit devant toi,
De toi les Astres prennent loi,
Tout fait joug dessous ta parole,
Et cependant tu vas dardant
Dessus moi ton courroux ardent,
Qui ne suis qu'un bourrier qui vole.

Mais quoi ! si je suis imparfait,
Pour me défaire m'as-tu fait ?
Ne sois aux pécheurs si sévère.
Je suis homme, et toi Dieu Clément :
Sois donc plus doux au châtiment,
Et punis les tiens comme Père.

J'ai l'oeil scellé d'un sceau de fer ;
Et déjà les portes d'enfer
Semblent s'entrouvrir pour me prendre :
Mais encore, par ta bonté,
Si tu m'as ôté la santé,
Ô Seigneur, tu me la peux rendre.

Le tronc de branches dévêtu,
Par une secrète vertu
Se rendant fertile en sa perte,
De rejetons espère un jour
Ombrager les lieux d'alentour,
Reprenant sa perruque verte.

Où l'homme, en la fosse couché,
Après que la mort l'a touché,
Le coeur est mort comme l'écorce ;
Encor l'eau reverdit le bois,
Mais, l'homme étant mort une fois,
Les pleurs pour lui n'ont plus de force.


Scheme AABCCB DDCAAC DDEAAE CCDBBD BBAFFA AAFAAF AABXXB AAACCA FFAFFA BBFAAF BXFCCF FFGAAG CDDCCD CXFCCF FFFCXF XCCFFC XXAAAA
Poetic Form
Metre 1111111 111111 11111 111110 11111 111011 111011 0111111 111111 111111 111111 111111 111101 11111011 1111111 111111 1111111 111111 111111 11111 110111 111111 111111 11111110 11110111 111111011 11111 11111 1111111 1111111 1111111 111101 11110010 11111111 1111111 10111111 111110 1111110 111111 1111011111 111111011 1111111 111111 111111 1111111 1111111 111100 1111111 1101 11111 1111110 111111 1111111 1101111 10111110111 11011011 111111101 1111111 111111 1111011 111111 111111111 111111101 11111110 111110 11101111 111111 1111 11011 1111 110111 1111011 0011111 111111 1111101 11111 111110 11111111 111111 11111111 111111111 11111111 1111111 1111111 111111111 111111 11111 11111 1111111 111111 01110111 11111 1110111 111111 1111 1111 1111111 11111101 01011111 111101 1111111 111101111
Closest metre Iambic pentameter
Characters 3,293
Words 570
Sentences 32
Stanzas 17
Stanza Lengths 6, 6, 6, 6, 6, 6, 6, 6, 6, 6, 6, 6, 6, 6, 6, 6, 6
Lines Amount 102
Letters per line (avg) 23
Words per line (avg) 6
Letters per stanza (avg) 141
Words per stanza (avg) 35
Font size:
 

Submitted on May 13, 2011

Modified on March 05, 2023

3:03 min read
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Mathurin Regnier

Mathurin Régnier was a French satirist. more…

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    Style:MLAChicagoAPA

    "Quand sur moi je jette les yeux" Poetry.com. STANDS4 LLC, 2024. Web. 29 Mar. 2024. <https://www.poetry.com/poem-analysis/27130/quand-sur-moi-je-jette-les-yeux>.

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